Neuroplasticité et lombalgie
Auteur de la traduction : Julien Encaoua
Auteurs et titre de l’article original: Srishti Banerjee
https://doi.org/10.2519/jospt.blog.20210609
Introduction
Au cours de la rééducation de la lombalgie, l’accent est traditionnellement mis sur la cause structurelle présumée du dysfonctionnement. Cette approche suit principalement un modèle biomécanique de la dysfonction, où seule la structure musculo-squelettique périphérique est responsable de la dysfonction vécue par le patient et constitue l’objet principal de nos interventions. Cependant, de plus en plus de preuves suggèrent que cette approche néglige les facteurs essentiels des diverses dysfonctions dans cette population
Le modèle biomécanique de la dysfonction suffit dans les cas de blessures aiguës, où le traumatisme et la dysfonction physique qui en résulte dans la structure musculo-squelettique périphérique sont évidents. Cependant, ce modèle est insuffisant pour expliquer la dysfonction chronique que connaissent certains patients. Dans de tels cas, il est important de regarder au-delà du conventionnel et de prendre en compte les preuves émergentes concernant les changements neuroplastiques dans la lombalgie afin d’obtenir un meilleur pronostic. La neuroplasticité est une caractéristique neurophysiologique intrinsèque et fondamentale qui fait référence aux changements dans la structure, la fonction et l’organisation du système nerveux, qui se produisent tout au long de la vie d’une personne. Les changements neuroplastiques peuvent se produire en réponse à l’apprentissage d’une nouvelle compétence ou à la suite d’une blessure, qui entraîne généralement des changements inadaptés.
Neuroplasticité dans la lombalgie chronique
Les changements neuroplastiques qui se produisent chez les personnes souffrant de lombalgie et dont il est question dans cette section sont considérés comme responsables de la chronicité de la lombalgie, ainsi que des mauvais pronostics tels que la douleur persistante, les déficits sensorimoteurs altérés et la récurrence de la lombalgie. Les changements neuroplastiques comprennent une augmentation de la sensibilité au traitement des stimuli nocifs. Les changements neurophysiologiques au sein des récepteurs périphériques et de la corne dorsale de la moelle épinière augmentent la réactivité aux stimuli nocifs.
Cela peut entraîner une amplification de la transmission de la douleur.Ce changement est courant et important, car il peut conduire au développement d’une allodynie (stimuli inoffensifs perçus comme douloureux) et d’une hyperalgésie (réponse accrue à la douleur). L’allodynie et l’hyperalgésie sont toutes deux associées à un mauvais résultat après un épisode aigu de lombalgie.
Les changements moteurs comprennent une modification de l’activation et de la coordination des muscles du tronc en réponse à la douleur. On observe une plus grande activation des muscles superficiels pendant le mouvement, ce qui est connu comme une stratégie de contention pour éviter la douleur. La modification de l’activation est associée à des altérations biomécaniques à long terme et à l’évitement complet de certains mouvements et activités. En outre, on observe des changements dans les centres de traitement supérieurs, notamment un déplacement médian de l’aire motrice représentant le bas du dos.
Ce phénomène est directement proportionnel à la chronicité de l’affection. Les changements de connectivité fonctionnelle entre les aires sensorimotrices sont associés à un ralentissement de l’exécution des tâches sensorimotrices, telles que la position assise-debout. Les changements structurels comprennent une perte de matière grise dans le cortex préfrontal et le thalamus, équivalente à 10 à 20 ans de vieillissement. Ces zones sont associées au traitement de la douleur. La rééducation traditionnelle axée sur le soulagement de la douleur et le renforcement ne tient pas compte de ces changements neuroplastiques. Il est nécessaire de mettre en place des interventions capables de contrecarrer ces changements neuroplastiques inadaptés, les preuves suggérant une réversibilité une fois que la douleur aiguë a disparu.
Principes de la plasticité dépendant de l’exercice
Incorporer la pratique partielle (où une compétence est apprise en la décomposant en unités plus petites) et la pratique globale (où une compétence motrice est pratiquée dans son ensemble) où les paramètres de l’exercice (vitesse et amplitude) ressemblent à des tâches de la vie réelle.
Une tâche doit être répétitive par nature pour induire un changement neuroplastique. Plus il y a de répétitions, mieux c’est.
Les tâches entraînées doivent être spécifiques à l’objectif visé
Fournir un feedback pour déplacer l’attention du patient vers un centre d’intérêt externe, en utilisant des indices environnementaux tels que l’utilisation d’un dispositif de biofeedback de la pression pour engager les muscles centraux.
Stratégies de réadaptation pour traiter les changements neuroplastiques
Les stratégies de réadaptation visant à traiter les changements neuroplastiques peuvent se concentrer sur les déficiences motrices, sensorielles ou cognitives. L’entraînement du contrôle moteur se concentre sur l’intégration d’exercices spécifiques à l’activation d’un muscle particulier (par exemple, l’activation du muscle transverse de l’abdomen sous guidage échographique). L’utilisation des ultrasons permet de savoir si les muscles appropriés se contractent au cours d’une tâche fonctionnelle avec un point d’attention externe. L’entraînement à la discrimination sensorielle consiste à fournir au patient un retour visuel en temps réel (par exemple, de son dos) au cours d’un mouvement (comme une rotation de la colonne vertébrale), ce qui s’est avéré réduire la perception de l’intensité de la douleur ainsi que la douleur habituelle.
Les approches d’entraînement cognitif comprennent la thérapie cognitivo-comportementale, la pleine conscience, l’éducation, l’imagerie motrice et la stimulation sensorielle périphérique.
Malheureusement, il n’existe actuellement aucune méthode permettant de différencier les patients qui bénéficieraient de telle ou telle approche. Cependant, l’essai de l’une ou l’autre de ces approches serait un excellent premier pas au-delà des approches traditionnelles qui ne prennent pas du tout en compte les changements neuroplastiques.
Conclusion
Il existe un ensemble de preuves solides et en constante augmentation décrivant d’importants changements neuroplastiques chez les personnes souffrant de lombalgie, qui peuvent expliquer la chronicité de cette affection. Si les interventions thérapeutiques ne ciblent pas ces changements neuroplastiques, le patient peut avoir du mal à se rétablir complètement.
Bibliographie
https://www.jospt.org/do/10.2519/jospt.blog.20210609/full/
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